lundi 28 janvier 2008

les consolations divines du président de la république

Marc Sangnier a à peine une vingtaine d’années quand il fonde le Sillon et qu’il déclare aux catholiques en1895 : « il faut être des démocrates véritables et non des ralliés à la démocratie ». Il exigeait d’aller au-delà d’un simple ralliement à la République que demandait Léon XIII de guerre lasse. Il sera à côté de Zola pour défendre Dreyfus quand les catholiques étaient antisémites. Le Sillon sera condamné par Pie X en 1910. Voilà ce que j’aurais aimé entendre dire à Latran de la part de monsieur Sarkozy président de la république française.
Que dit le président à Latran : « Depuis le siècle des Lumières, l’Europe a expérimentée tant d’idéologies. Elle a mis successivement ses espoirs dans l’émancipation des individus, dans la démocratie, dans le progrès technique, dans la morale laïque (…) Mais ce sont de petites et grandes espérances mais ne répondent pas aux questions fondamentales de l’être humain… » (le texte complet est disponible sur Interne)
Ce sont des passages qui veulent faire écho à la récente encyclique de Benoît XVI sur l’Espérance. Je n’ai pas à multiplier les citations, celle ci me parait être la pointe du discours tenu à Rome et je m’attarderai pas sur ce qu’il a dit ailleurs. Je pointe ici un paradigme de pensée qui relève plus d’une vieille métaphysique dualiste que puisé à l’Evangile. D’ailleurs une référence à l’Evangile ou à Vatican II sont absents de son discours, la religion
seule l’intéresse.
En bas donc : le débat d’idées, la démocratie, la recherche scientifique, l’émancipation …tout cela est très utile certes, mais relatif car l’Europe a déjà tant expérimentée …L’essentiel ne peut être résolu là ; mais à un niveau supérieur qui serait celui de la Foi ou de l’Espérance, là où peut être résolu les questions plus essentielles que sont la vie et la mort. Le président s’aligne sur le pape pour nous consoler. La notion de consolation est ici prise dans sa dimension théologique plus que psychologique au sens où Boèce à la fin de l’Antiquité parlait de Consolations. Il nous invite à ne pas s’attacher excessivement au combat démocratique puisque l’essentiel est ailleurs. De cette théologie qu’affectionne le président, je pense que beaucoup de théologiens reconnaîtront là un déficit d’incarnation. Cette théologie romaine de l’ex cardinal Ratzinger est à deux étages, très médiévale, fait l’impasse des travaux splendides de la phénoménologie de Husserl à Hannah Arendt et Emmanuel Levinas où les questions essentielles s’énoncent ici bas dans le dévoilement infini du visage souffrant de l’être humain .
Mais à la limite qu’importe, revenons à notre président celui qui est censé nous représenter. Le président entre dans des considérations théologiques et cela n’est pas de sa fonction: il n’a pas été élu pour cela. Il a été élu pour défendre les intérêts de notre pays qui sont justement ceux que d’une façon condescendante il relègue à un jeu d’expérimentation d’idéologies.
Mais que veut dire une Europe qui expérimente ? De quoi parle t il ? N’est ce pas plutôt sa vision propre, celle de lui-même du simple citoyen Nicolas Sarkozy qui depuis qu’il fait de la politique, expérimente des idées: travailler plus pour gagner plus, politique de civilisation à la Edgar Morin, discrimination positive, laïcité positive… ah vous n’en voulez pas ? Ce ne sont que des mots, des tubes à essai, ce n’est pas cela que je voulais dire. Est -cela que nous attendons d’un représentant suprême de la Nation ?
Le verbe expérimenter renvoie au travail en laboratoire fait de tâtonnements, de recul. Mais Voltaire, Rousseau, Lafayette, Hugo, Zola, Péguy, Schuman, l’abbé Pierre n’expérimentaient pas, ils vivaient et incarnaient un idéal d’humanité. Cette ferme assurance cette confiance autre mot pour dire la foi dans des valeurs qui font l’honneur de notre République est absente : « l’Europe a déjà tant expérimenté… » Quelle lassitude…

Beaucoup d’observateurs ont montré une certaine fascination du président pour le modèle anglo-saxon, François Bayrou a parlé du retour de la religion comme opium du peuple. Mais il faut essayer de comprendre ce que cela peut signifier pour lui. Si l’essentiel est ailleurs que dans ce pauvre monde, la religion est d’une grande utilité pour supporter, subir les dures réalités : travailler plus, payer la franchise médicale, subir le désordre écologique, les risques d’attentats, la crise financière, la disparition de la bio diversité. Quand à Riyad, il tient à peu prés le même discours face aux autorités musulmanes, quelques heures plus tôt il essayait en bon VRP de refiler notre nucléaire civile sans aucune lassitude, là il est bien sûr de ce qu’il fait comme ses prédécesseurs avec l’Irak et l’Iran au déni de tout principe de précaution, pourtant inscrit dans la Constitution. Sur ce sujet je le vois mal changer d’avis. Mais quelle aubaine de pouvoir réconcilier Dieu et l’Argent .A quand l’inscription du mot Dieu sur nos billets d’Euro ?
En cela Sarkozy renoue avec les ultramontains catholiques du 19éme siècle défenseurs des intérêts de la papauté, antidémocrates car non respectueux des droits de Dieu. C’était le temps des Droits de Dieu contre les Droits de l’Homme. Bonaparte a fait venir le pape en France pour se faire sacrer. Le pape est resté quelques mois déclanchant dans la population française un vaste mouvement de sympathie. Les historiens datent de cette époque l’engouement périodique pour le pape .Bonaparte fut d’un remarquable opportunisme.

Le politique doit être prudent avec les religions. Chacune d’entre elles n’est pas monolithique. Chacune est traversée de courants, d’écoles diverses plus ou mois en désaccord les unes avec les autres. Il est de notre devoir que le mouvement démocrate ne soit pas identifié à une démocratie chrétienne mais qu’il discerne les valeurs spirituelles notamment l’humanisme du judéo christianisme qui ont nourri les Lumières. On ne naît pas démocrate on le devient. La démocratie ne peut être une addition de particularismes qui relèvent strictement de la sphère privée. C’est le rôle de l’Instituteur et non du Curé à aider chacun à une relecture des convictions personnelles qui ne relèvent que de l’opinion, de la doxa, pour une ouverture à l’Autre. Mais reconnaissons que l’école républicaine ignore trop le fait religieux.
Les racines sont multiples mais le ciel étoilé est commun à tous.

lundi 14 janvier 2008

projet de civilisation de François Bayrou

En ce début d’année, voici un texte majeur de François Bayrou publié dans la revue Commentaire qui à mon avis, pour avoir suivi ses principaux discours, rassemble et ordonne toute une année de discours lors de sa campagne électorale : Du« Centre » au projet démocrate. Je voudrais ici présenter un condensé des axes de sa réflexion. Face à Nicolas Sarkozy qui nous balance un projet de civilisation non écrit par lui emprunté pour ce qui est du titre à Edgar Morin, attitude que j’ai nommé d’imposture dans mon blog que je viens d’ouvrir, FB a au moins le mérite de la cohérence et de la fidélité dans la suite de ses idées.
Dans un premier temps j’exposerai de manière la plus objective les quatre axes constituants de son texte puis j’évoquerai quelques pistes de réflexion. Par cette démarche je voudrais que l’on puisse se réapproprier ce texte comme une proposition de charte des valeurs, à y revenir souvent pour éclairer les décisions quotidiennes.
Avant d’exposer ses quatre axes FB constate l’impasse politique du centre coincé dans un rapport géométrique stérile entre la droite et la gauche, sommé de choisir son camp. Il faut sortir de cette référence euclidienne en affirmant un projet de société voir de civilisation autonome qui ne leur doit rien C’est la condition pour tout compromis possible.
FB reconnaît par contre une dette historique à Marc Sangnier créateur du Sillon en affirmant : « la démocratie est l’organisation sociale qui tend à porter au maximum la conscience et la responsabilité civique de chacun ». Cette citation est la référence ou le paradigme des quatre constituants de sa pensée.
1) Le politique face au citoyen : avec l’avènement de la démocratie télévisuelle le citoyen ne veut plus être berné mais exige la confiance pour donner son consentement. Grace à Internet notamment il exigera plus d’informations sur la cohérence du projet politique. Il faut le protéger contre les excès et concentration du pouvoir. En France, la séparation des pouvoirs est la moins protégée: scrutin majoritaire, justice influencée par le jeu des nominations, intimité de l’Etat et du monde économique, dénonciation du capitalisme national. La triple séparation de Montesquieu législatif, exécutif, judiciaire doit s’élargir à l’économique et au médiatique. Inscription dans la Constitution du principe du pluralisme, notamment médiatique, condition de toute réussite.
2) Le rapport de l’Etat et de la société : sortir de l’obsession centralisatrice, la France au moindre problème attend tout de l’Etat au détriment du réseau des entreprises, des coopératives , des mutuelles, des associations, des universités . Leur rendre la capacité de décider.
3) Le rapport d’une société à une hiérarchie des valeurs : ce qui domine ce n’est pas tant le libéralisme mais le principe d’inégalité croissante qui a été accepté et choisi ; cela heurte les valeurs de notre civilisation. Si l’argent ne va qu’à l’argent ou au vedettariat il ne peut plus avoir de vocation pour l’intérêt général : culture, éducation. Dans la hiérarchie des valeurs comme projet de société il y a d’abord les valeurs matérielles nécessaires mais les valeurs naturelles, intellectuelles, culturelles, morales sont supérieures. Mais aussi en première ligne défense de la vie humaine et de ses compagnes la vie animale et végétale. L’économique est indissociable de l’écologique et du social où doit régner le principe de responsabilité.
4)Le rapport au monde de ce projet d’exigence civique : construire des instruments politiques capables d’imposer l’ordre du monde non de le subir. Au niveau financier sortir du dumping fiscal, de la pratique des états off shore. Pour l’Europe et aussi pour d’autres parties du monde, une politique profonde et sérieuse de fédération de nations moyennes.
Ce projet se situe en contraste avec le projet néo -conservateur et néo-bonapartiste qui vise à séduire l’électeur et le projet socialiste qui propose toujours plus le recours à l’Etat, c’est un projet de société économique basé sur la création, non la demande mais l’offre.
Quelques trop brèves pistes de réflexion : le démocrate ne peut se satisfaire d’avoir ou de s’en tenir aux opinions en visant la conscience…quelle rigueur qui en cela correspond bien à l’idée dérangeante d’affirmer une hiérarchie des valeurs …que les mots deviennent des actes pour éviter toute tartufferie… Je constate par ailleurs une conscience aigue de l’importance d’internet et de la démocratie télévisuelle…L’importance d’un réel pluralisme... dommage qu’il n’est pas dénoncer le monopole de l’éducation dite nationale…la bio diversité bien comprise va dans son sens et ne peut se limiter à la préservation des espèces… La question doit encore aller plus loin en se réappropriant une philosophie de la nature qui manque à notre paysage intellectuel français, nous nous engagerions alors là dans une rénovation de l’écologie politique chère à Corinne Lepage qui ne pourra faire l’économie de ce projet…2008 est une année électorale aux USA la victoire démocrate est capitale pour le monde et la naissance d’une réelle Internationale Démocrate s’impose pour travailler en profondeur.

samedi 12 janvier 2008

Samedi 12 janvier:les voeux du président

Le président Nicolas Sarkosy a commenté face à la presse sa proposition de projet de civilisation en se référant à Edgar Morin. Qu'importe ici celui qui a écrit sa conférence puisque par sa lecture il en assume la responsabilité.Cette démarche laisserait à penser que nous avons un président disciple de ce penseur. Nous savons qu'il n'en est rien et sur ce point l'élève est un imposteur. Ce n'est pas un acrobate comme le titre une certaine presse. Car l'acrobate est dans une posture qui oblige au respect par la cohérence de son spectacle. Peut être l'élève ici n'est qu'à un balbutiement de la pensée du maître, pourquoi pas. Mais l'élève est président de la république depuis huit mois. Il a été élu sur un projet que nous connaissons qui veut réconcilier, décomplexer les français avec l'argent : travailler plus pour gagner plus. Voilà un projet . A savoir si cela en fait un projet de civilisation...il faudrait y voir de plus près.Et ce projet n'est pas encore un programme détaillé d'action .
L'attitude qui viendrait à banaliser cette référence à un penseur comme anecdotique est désinvolte. Car en ne nous y attardant pas pour nous concentrer sur les propositions concrètes annoncées, celles qui comme on dit concernent -la -vie -de- tous- les- français, est une attitude à courte vue car elle veut dissocier les mesures concrètes de ce qu'elles valent sur le plan des idées. Travailler plus ou moins , peut-être... mais pour quelles raisons? pour gagner quoi? de l'argent ? De l'argent mais pour quoi faire? Dire le sens rigoureux de l'idéal est là dans la capacité à questionner, à créer du lien, du sens . Cela n'est pas du goût des experts qui savent, pressés d'en finir avec ce questionnement infinie de la conscience. Mais voilà ils ne sont pas tous d'accord, ce que chacun tente d'oublier. Socrate a payé de sa vie son questionnement, lui qui savait qu'il ne savait pas. Savoir sans conscience n'est que ruine de l'âme...
Nous assistons donc à une pipolisation des idées où il suffit de nommer un auteur pour voir si cela fonctionne près du public et de soi- même, le temps de rêver. La pensée paresseuse faisait au moins l'effort de sortir une citation ou deux .
Signaler l'imposture ne se réduit pas à une dénonciation moraliste, mais c'est d'abord montrer une posture déséquilibrée où la chute est imminente. L'imposture est une incohérence affichée.
Le président essaye comme ça des mots pour voir si cela marche,si cela accroche si cela fonctionne. Il essaye de communiquer et il est touchant, mais communiquer n'est pas encore penser .Pour cela il est bien de notre temps , ce qui le rend sympa', le temps de l'immédiateté. Le futur président ne dira peut être plus que la moitié des mots.Quel pied on s'éclatera avec le président car ébloui un court instant on se croira intelligent.